Vous avez peut-être en mémoire les bandes dessinées de Franquin et plus spécifiquement celles de son anti-héros Gaston Lagaffe. Peut-être vous souvenez-vous de Gaston, équipé d'une lampe frontale, partant en exploration dans les archives du journal Spirou pour retrouver une délicieuse et obscure planque dans un dédale infini de cartons et de piles de dossiers, échappant ainsi aux persécutions de l'irascible Prunelle et à celles non moins colériques du blond Fantasio.
Le décor est planté et je vous vois déjà sourire. Cependant, si Antoine Bender est aussi avenant et sympathique que Gaston, il ne semble, au travers d'un écran de vidéoconférence, aucunement porté à la procrastination, ni même aux siestes impromptues, et les archives de l'AMR n'ont rien à voir avec celles du journal Spirou. Le travail dont il est question ici profite aussi bien à l'association pour l'analyse de son fonctionnement qu'à la formation pratique d'un étudiant d'une haute école.
Notre civilisation a depuis belle lurette renoncé à confier la conservation de son histoire à la seule tradition orale, contée, jouée, chantée. Bien que, dans notre société quelque peu amnésique, cette mémoire orale subsiste abondamment, ne serait-ce que par les récits de nos aïeux, ou nos légendes familiales, l'écriture de documents et la conservation de ceux-ci est une très ancienne pratique. La musique improvisée, longtemps enseignée oralement, n'échappe pas au couchage sur le papier ou sur des supports numériques de ses productions. Et la très valeureuse gente humaine qui participe au soutien de cette musique, dont l'AMR fait partie, est largement usagère de cette mémoire externe et de sa conservation.
L'AMR a donc des archives. Soit. Quelles sont-elles? Quelles sont les difficultés de conservation rencontrées par une association au long passé, née avec des moyens humains et économiques modestes, et confrontée à une croissance continue?
### Entretien
*Bonjour Antoine Bender, merci pour cet entretien. Peux-tu nous parler de ton travail réalisé dans les archives de l'AMR?*
Ce projet s'est déroulé dans le cadre de mon mémoire au sein de la Haute École de Gestion à Carouge, qui propose un Bachelor en Sciences de l’Information. Ce travail porte sur trois axes: un état des lieux des archives, une analyse des besoins et des recommandations sur le système d'archivage.
*Comment s'est déroulé ton travail?*
Cela a été une belle aventure. Il a fallu d'abord déterminer ce qui constitue le fond d'archive et étudier les diverses habitudes de classement qui ont été pratiquées pendant les cinquante années d'existence de l'association. Le fond consiste en divers types de documents: de la correspondance, des documents comptables, des procès-verbaux, des rapports administratifs, des dossiers de groupes musicaux, des affiches, le journal Viva la Musica, des dossiers de presse, des brochures, mais également des enregistrements audios et vidéos, des archives numériques sur le serveur de l'administration et sur l'intranet. Les pratiques de classement sont très diverses en fonction des périodes et des personnes impliquées. On trouve par exemple un système d'archivage des affiches de concerts très performant et organisé, parmi d'autres classements plus aléatoires. J'ai commencé par réaliser un inventaire de tout ce que j'ai trouvé.
*Que révèle cet inventaire et as-tu réussi à déterminer les besoins concernant cet archivage?*
Il se dégage de cet inventaire une grande richesse culturelle et en parallèle des problèmes de gestion que cette abondance génère, parmi ceux-ci les lieux de stockage, les méthodes d'archivage et de préservation. Pour évaluer les besoins de l'association, j'ai donc réalisé un questionnaire et des entretiens avec les personnes impliquées.
*C'est la seconde partie de ton travail. Que disent ces entretiens et de ce questionnaire?*
La situation est contrastée, la totalité des personnes interrogées disposant de méthodes personnelles pour l'archivage. Il y a consensus pour dire qu'il existe des difficultés dans le processus de travail en raison de l'archivage et que sa gestion nécessiterait une clarification, une structuration et une harmonisation des pratiques.
*Tu as également proposé des recommandations.*
Tout à fait. Ces recommandations visent à apporter des réponses aux besoins identifiés, en tenant compte que ces améliorations doivent être applicables dans le cadre associatif. Parmi celles-ci, la mise en place d'un plan de classement avec des libellés simples, celle d'un calendrier de conservation, l'amélioration de la protection physique et numérique des documents, l'importance d'une personne référente d'archive et la possibilité de faire appel à des ressources externes. Des collaborations ultérieures avec la Haute école de gestion pourraient être envisagées, qui entreraient parfaitement dans le cadre de travaux d'étudiantes pour leur bachelor, comme la création de guides pratiques, la formation de la personne référente de l'archivage ou la sensibilisation et la formation des personnes travaillant dans l'association.
*Pour terminer, qu'est-ce qui t'a marqué dans cette activité particulière que tu as eue au sein de l'AMR?*
L'accueil a été très positif. Le lieu m'a grandement surpris de par l'activité intense qui s'y développe, la circulation et l'occupation du bâtiment à toute heure. C'est une vraie ruche.
*Merci beaucoup Antoine pour cet entretien et ton travail.*
Antoine Bender: "'Etat des lieux, analyse des besoins et recommandations pour la gestion des archives de l'AMR"
Yves Massy, septembre 2025
Cet article est parue dans le journal Viva la Musica de l'AMR